Dans les bras de Vincent, il y avait un petit coussin tout blanc. "C'est son doudou préféré", a chuchoté sa maman. Celle-ci nous a expliqué qu'il y avait des tas de peluches dans sa chambre, mais que, toujours, Vincent revenait à ce coussin tout simple qui l'accompagnait partout.
Monsieur Moun s'est mis à la hauteur de Vincent et a avancé la main vers le doudou-coussin :
- Dis, Vincent, tu me prêtes ton doudou ? a-t-il demandé avec douceur.
Mais Vincent, du haut de ses deux ans, a lancé un regard noir à monsieur Moun. La violence de ce regard m'a frappée. Je n'aurais jamais cru que même chez de petits enfants le sens de la propriété pouvait être si marqué. Prêter son doudou ? Monsieur Moun n'y pensait pas ! Vincent n'a rien dit, mais il n'y avait aucun doute sur la réponse à l'innocente question de monsieur Moun !
En rentrant à la maison, je me suis dit que j'allais fabriquer un doudou pour Vincent. Un doudou-coussin avec du tissu blanc... mais pourquoi pas aussi avec des yeux et des oreilles pour lui donner un petit air plus personnel ? J'ai fait le dessin du doudou sur mon carnet... Et puis le temps a passé. Je n'ai pas eu le temps de ressortir ma machine à coudre et, pour le moment, le doudou-coussin n'existe que sur le papier.
Mais le regard noir de Vincent n'est pas sorti de mon esprit. Très vite, une histoire a grandi dans ma tête. Une histoire avec un petit garçon qui ne voudrait pas prêter son doudou. Une histoire sur le don, le partage et l'amitié.
Dimanche dernier, je me suis assise devant mon ordinateur et mon histoire s'est laissée écrire. C'est une toute petite histoire sans prétention. Mais j'aimerais bien lui donner des images. J'ai dans l'espoir de lui trouver un illustrateur. Des amateurs ?
− Dis, Valentin, tu me prêtes ton doudou ? demande Léa à son copain. Ton doudou si doux, je peux le câliner, moi aussi, pour passer avec lui une nuit pleine de jolis rêves ?
Prêter son doudou ? De la tête, Valentin fait non ! Dans ses bras, il serre encore plus fort son doudou tout moelleux. C’est son doudou rien qu’à lui. Son doudou qui, chaque nuit, l’accompagne dans ses rêves et chasse les fantômes et les cauchemars du soir.
Non, son doudou, jamais Valentin ne le prêtera !
− Dis, Valentin, tu me prêtes tes crayons de couleur ? demande Théo à son cousin. Tes crayons si beaux, je peux les utiliser, moi aussi, pour faire un dessin ?
Prêter ses crayons ? De la tête, Valentin fait non ! Dans la paume de sa main, il presse encore plus fermement ses crayons magiques. Ce sont ses crayons rien qu’à lui. Le crayon bleu lui sert à colorer le ciel immense de l’été, le rouge lui permet de couvrir les feuilles de son cahier de fleurs de coquelicots, le jaune illumine ses dessins d’un grand soleil et le vert le fait imaginer un arbre géant aux milles branches.
Non, ses crayons, jamais Valentin ne les prêtera !
− Dis, Valentin, tu me prêtes tes gants ? demande Tommy à son camarade. Tes gants de laine si chauds, je peux les mettre, moi aussi, pour faire un grand bonhomme de neige ?
Prêter ses gants ? De la tête, Valentin fait non ! Au fond de sa poche, il enfonce la paire de gants qu’il n’utilise pourtant plus, puisqu’il a fini de jouer dans le jardin. Ce sont ses gants rien qu’à lui. Grâce à eux, Valentin n’a jamais froid aux doigts. Grâce à eux, il peut faire les plus grosses boules de neige. Grâce à eux, il pense chaque jour d’hiver à Mamie qui les lui a tricotées et les lui a offerts à Noël dernier.
Non, ses gants, jamais Valentin ne les prêtera !
− Dis, Valentin, tu me prêtes ta Mamie ? demande Samia à son voisin Valentin. Ta Mamie si gentille, je peux rester avec elle, moi aussi, juste pour ce soir, pour ne pas être trop seule sans ma Maman et mon Papa qui rentrent tard de leur travail ?
Prêter sa Mamie ? De la tête, Valentin fait non ! Vite, il referme la porte au nez de Samia et se précipite dans la cuisine pour courir jusqu’aux bras de Mamie. C’est sa Mamie rien qu’à lui. Sa jolie Mamie, douce comme une fée, qui le couvre de bisous chaque jour lorsqu’il rentre de l’école et qui lui prépare de bons goûters au chocolat.
Non, sa Mamie, jamais Valentin ne la prêtera !
Ce soir, Valentin est triste. Il reste assis sur les marches de la maison et n’ose pas rentrer chez lui.
Tout à l’heure, à la sortie de l’école, Mamie n’était pas là pour venir le chercher, comme elle le fait chaque après-midi. À sa place, il y avait Papa. Papa avec un air grave et noir. Sur le chemin de la maison, Papa n’a rien dit. Il marchait vite, écrasant la main de Valentin dans la sienne. Ce n’est qu’en arrivant devant la maison que Papa a dit : « Mamie est tombée malade. Elle n’a pas pu venir te chercher. Elle ne le pourra pas demain, ni après-demain, ni non plus la semaine prochaine, et peut-être pas la semaine encore après… » Papa n’a rien ajouté. Il a ouvert la porte, s’est assis sur le canapé du salon et a laissé son regard se perdre dans le vide.
De l’autre côté de la fenêtre, Valentin a regardé Papa assis tout seul sur le canapé. Au coin de ses yeux, il a remarqué de toutes petites larmes. Elles étaient minuscules – mais dans la lumière du soir, elles brillaient presque. Valentin a été surpris : il croyait que les larmes des papas, ça n’existait pas.
Maintenant, Valentin est tout seul sur le perron. Il aimerait bien que Léa, Théo Tommy, ou Samia viennent et lui demandent :
− Dis, Valentin, tu me prêtes ta tristesse ?
Il pourrait alors leur répondre :
− Oh oui, je te prête ma tristesse ! Et puis même, je ne vais pas seulement te la prêter, mais je vais te la donner ! Tu pourras la garder pour toujours… et ce sera ta tristesse… ta tristesse à toi ! Ce ne sera plus la mienne !
Mais personne ne vient.
Et la tristesse de Valentin reste au fond de son cœur et rend humides ses paupières.
Soudain, Valentin entend son prénom. Il lève la tête. Devant lui, il y a Léa. Et puis aussi Théo, Tommy et Samia.
Léa approche ses lèvres des joues de Valentin :
− Valentin, je te donne pleins de bisous pour que tu fasses le plein de douceur !
Théo serre son cousin dans ses bras :
− Valentin, je te donne mon épaule pour que tu y déposes ton chagrin !
Tommy, à son tour, fait un large sourire à son camarade :
− Valentin, je te donne plein de sourires pour que tu y accroches ton espoir !
Et Samia, timidement, s’assoit aux côtés de Valentin et lui tend un bouquet de pâquerettes :
− Valentin, je te donne des fleurs pour que tu retrouves le printemps dans ton cœur !
Valentin ne sait plus quoi dire. À ses amis il avait refusé de prêter ce qui lui appartenait, et voilà que tous ils sont là pour lui donner ce qui lui est le plus précieux et ce dont il a le plus besoin aujourd’hui : leur amitié.
Valentin a presque oublié sa tristesse. Il ne pense désormais plus qu’à une chose : dire merci et partager cette merveilleuse générosité !
8 commentaires:
j'aime bien la composition de cette histoire !! tu devrais la faire le doudou coussin, c'est une bonne idée, il est mignon le dessin ! ^o^
le début de ton histoire donne envie d'en connaître la suite... elle a l'air très chouette :)
et puis ce doudou pour l'instant de papier, est une super bonne idée ^^
Merci les filles !
Finalement, j'ai décidé de mettre l'histoire en entier : un texte, c'est fait pour être lu !
Quant au doudou, il devrait bientôt voir le jour ! Faut juste que je dépoussière ma machine à coudre, qui boude un peu depuis que je lui préfère chaque soir l'ordinateur !
J'ai adoré, elle est magnifique cette histoire !!!!!
Merci de ta visite, Sandrine !
je repasse par ici ! l'histoire est vraiment superbe !!!! j'adore ! as-tu trouvé un illustrateur ?
Non, Valentin attend toujours un illustrateur pour lui donner un visage ! Ça te dirait ????
J'avoue que je suis bien tentée !
... mais j'ai encore plusieurs projets en attente pour le moment..
si tu n'es pas trop pressée et si mon univers te plaît, je serais d'accord pour l'illustrer..
mais ne t'inquiète pas, je comprends si tu souhaites qu'il soit vite illustré ou autre..
tu peux m'envoyer un mail si tu veux en discuter (l'adresse de mon mail est dans la partie droite de mon blog)
En tout cas, c'est un très chouette texte !
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