jeudi 20 août 2015

Ecrit en 100 % petit dodo

Il y a deux jours, dans la fraîcheur du soir, j'ai écrit les dernières lignes d'un roman commencé... il y a plusieurs mois. Grand soulagement d'être arrivée enfin à terminer une histoire sur laquelle je travaillais depuis si longtemps. Et en même temps, vague sentiment d'insatisfaction qui fait que le doigt démange sous la touche "Suppr" de l'ordinateur.
 
Le premier jet est écrit. Mais tout reste à faire encore : relire l'ensemble, une fois, plusieurs fois ; traquer les incohérences, épingler les erreurs de style et les fautes d'orthographe ; réécrire les passages qui sonnent creux ; trouver un titre aussi...

 
Je ne sais pas si je vais suffisamment croire dans ce roman pour aller jusqu'au bout avec lui (d'ailleurs, c'est quoi, "le bout" : la publication sous forme de livre vendu en librairie ? ou simplement le courage de le faire lire à des regards extérieurs ?). Ce roman a quasiment été écrit exclusivement pendant les siestes de mes filles. Ca mériterait une estampille en couverture : "écrit en 100 % petit dodo !" ! C'est pour cela qu'il a mis si longtemps à s'écrire.
 
Toujours le même rituel, généralement le mercredi après-midi, parfois certains samedis ou dimanches : coucher la "grande", puis la petite, tendre l'oreille pour vérifier qu'il n'y a pas des rires étouffés ou des petits pas suspects, se faire chauffer le café, sortir la plaquette de chocolat (très important, le chocolat), faire deux ou trois trucs de flémards pour retarder le moment de s'y mettre (du genre vérifier ses mails ou nettoyer l'évier de la cuisine), puis, enfin, ouvrir le fichier Word et, en haut de la page blanche, regarder le petit curseur qui clignote.
Les premières minutes d'écriture sont un peu laborieuses. Il faut relire le chapitre précédent, revoir les notes sur le carnet de brouillon, se rappeler de l'intrigue, et puis surtout retrouver les personnages, leur faire confiance et qu'ils vous fassent confiance. Enfin, petit à petit, les doigts se dérouillent. Ils se mettent à courir sur le clavier. J'ai oublié que j'écrivais les pensées de l'héroïne : je suis l'héroïne, j'ai onze ans comme elle, je suis sa voix, je parle en son nom, comme si elle existait.
Il arrive un instant un peu magique où je suis complètement plongée dans l'histoire. Enfin, les mots sont là, ceux-là même qui ont mis si longtemps au début à se réchauffer, à oser prendre vie sur mon écran. Dans ce moment-là, je suis surprise par ce que j'écris, car ce n'est pas toujours ce que j'avais prévu dans mon cahier de brouillon. Des faits, des émotions apparaissent, sans avoir été invités. Ils sont là, ils s'imposent d'eux-mêmes, comme des évidences. Ils viennent comme malgré moi. J'aime me laisser surprendre par cette écriture qui me dépasse et m'emmène au coeur des choses.
Mais c'est généralement exactement à ce moment-là que dans la chambre du haut j'entends des pleurs, ou bien un "fini le dodo !" J'essaie d'ignorer, de faire comme si je n'avais rien entendu, comme si c'était un voisin lointain. Mais les voix d'enfants se font un peu plus fortes. Une petite main vient s'agriper à mes genoux ou un petit visage encore embrouillé dans le sommeil se love contre moi. J'essaie de grappiller encore quelques instants, marquer à toute allure tous ces mots qui me dévorent. Mais trop tard. Les petites mains veulent jouer avec le clavier d'ordinateur, menacent d'appuyer sur une mauvaise touche qui ferait tout effacer.
A contre-coeur, je sauvegarde et j'appuie sur "Fermer l'ordinateur".
Je retrouverai mes personnages dans une semaine, peut-être deux. Lorsqu'une nouvelle sieste à la maison d'un jour non travaillé me sera offerte.
 
J'ai fini mon roman ces deux dernières semaines, sous le chant des cigales et à l'abri du soleil brûlant de Provence. Presque tous les jours, pendant les petits dodos des filles. Vive les vacances et la chaleur estivale qui rend lourd le sommeil des enfants.
 
J'ai mis le mot "FIN" qui va me permettre de penser enfin au prochain roman, à la prochaine histoire. Mais je me suis promis de ne plus écrire de cette façon - sur les pointillés, sur le temps volé, sur les heures arrachées à l'urgence du quotidien.
Je ne sais toujours pas comment trouver le temps qui me manque. Mais j'espère y arriver pour que de nouveaux personnages me fassent confiance et me choisissent pour prendre vie dans une histoire.
 
 
 
 

2 commentaires:

M.C.O a dit…

C'est une très beau texte...sur le temps qui nous manque ;) et en même temps j'ai bien hâte de te lire de nouveau!

Sardine a dit…

Ouh la belle histoire que voilà !
Vivement l'été prochain, maintenant alors :-)