Ce week-end, j'ai ressorti du fin fond de mon ordinateur mon histoire d'il-y-a-très-très-longtemps. Ça m'a fait rire... mais alors peut-être pas pour les mêmes raisons que dans le temps ! Il y avait des trucs bien dans mon histoire, mais d'autres vraiment pas terribles : des phrases de 3 km, des accumulations d'adjectifs ronflants, des allitérations méga lourdes, et j'en passe. Diable ! à l'époque, mon écriture était aussi pesante qu'un trois-tonnes !
Alors, j'ai pris mon stylo rouge et j'ai barré, supprimé, rayé. Allez, hop, virés les adjectifs synonymes les uns à la fil des autres, supprimées les références prétentieuses ! Quel plaisir d'avoir l'impression de laisser enfin respirer ce texte !
Le texte est passé à la moulinette du temps. Je crois qu'il est un peu plus léger comme ça. Je me suis dit que lors de toutes ces années, j'avais quand même fait pas mal de progrès en écriture et, en ces temps de doutes paralysants, ça m'a rassurée. Mais je me suis dit que j'avais encore des progrès à faire. Car ce texte version 2010 n'a toujours aucun avenir autre que celui offert par le TGO* : histoire encore trop longue et compliquée, vocabulaire ardu... Ce n'est toujours pas vraiment une histoire pour les enfants !
Avant de le faire repartir d'où il vient, je voulais quand même vous offrir le début de ce fameux texte sauvé du passé. Car c'est une histoire de crêpes et le jour de la Chandeleur, c'est d'actualité (car aussi je n'ai vraiment rien d'autre à vous faire lire en ce moment, vu que je n'écris pas !).
Soyez indulgents, einh ! Ah, et j'offre une surprise à celui qui saura découvrir le philosophe caché dans cette histoire !
*TGO = Tiroir du grand oubli (paix à l'âme de tous les textes qui y reposent).
Il était une fois une gentille et jolie princesse prénommée Éva. Elle vivait dans un grand et beau château dans une verte et printanière campagne. Son père était un roi qui n'était pas très riche, mais qui était aimé de tous ses sujets. Sa mère oubliait souvent d'être reine et préférait être maman et elle passait ses journées à préparer des crêpes à sa fille. Bref, tout le monde était heureux. Le roi aimait sa fille, sa femme et son royaume (verdoyant). La reine aimait sa fille, son mari et ses crêpes (au chocolat). Les sujets aimaient le roi, la reine, la princesse et les crêpes de la reine (mais seulement celles à la confiture de mûres). La princesse aimait le roi, la reine, et les crêpes (au chocolat mais aussi à la marmelade d’orange). Bref vous avez compris. Tout le monde aimait tout le monde. Et ceux qui n'aimaient personne s'aimaient malgré tout eux-mêmes, ce qui n'était pas si mal. C'était le meilleur des mondes possibles dans cet heureux royaume qui avait pour nom « Monade-Land ».
Seulement voilà. La princesse, au milieu de tout cet amour heureux, était très triste. C'était une belle et poétique tristesse. Mais c'était une tristesse tout de même. Car la princesse Éva s'ennuyait : elle se barbait, elle s'embêtait, elle se rasait, elle se lassait. Elle s'emmerdait, quoi. Elle passait ses journées à soupirer, la larme à l'œil : « J'ai des parents qui m'aiment et j'ai des crêpes à tous les repas, mais je n'ai pas d'histoire. Une crêpe ne remplace pas des aventures. Je n'ai rien à vivre, rien à sentir, rien à découvrir ! » Elle connaissait la célèbre maxime d’un grand écrivain russe : « les gens heureux n'ont pas d’histoire ». Et elle était malheureuse d'être aussi heureuse. Elle aurait voulu pouvoir transformer sa vie en roman, et ses rêves en poèmes. Mais, comme rien ne lui arrivait (à part la fournée quotidienne de crêpes), les pages de son journal intime restaient aussi blanches que les neiges de l’Alaska et son cœur aussi glacé que les banquises du Groenland. Elle avait tout, mais il y a des richesses qui ne remplissent pas une âme. Elle n’avait plus rien à espérer, mais parfois l’espoir nourrit les imaginations asséchées. Au fond de son ennui, elle se cherchait en vain une histoire.
Un jour, la princesse décida solennellement que son ennui profond ne pouvait plus continuer de la ronger et elle pensa qu'il fallait quitter le château de son enfance. Elle se dit intérieurement : « Je décide solennellement que mon ennui profond ne peut plus continuer de me ronger », ajoutant d'un ton assuré : « Je vais quitter le château de mon enfance !».
Le lendemain, après avoir dit adieu à son père le roi, embrassé sa mère la reine, et entassé au fond de son sac à dos une provision conséquente de crêpes au chocolat en poudre (plus pratiques pour le transport), elle s’en alla sur les routes. Bientôt, elle fut loin du royaume de Monade-Land. Elle parcourut des chemins caouteux, rocailleux, sableux, mouvants, bitumeux. Elle traversa des mers salées, déchaînées, chavirées, mazoutées. Elle vola à travers des airs ensoleillés, musicalisés, bleutés, ennuagés.
Après avoir égrainé des milliers de kilomètres, Éva décida un beau jour d'automne qu'elle était fatiguée et qu’elle ne pouvait plus continuer son existence errante. Elle avait épuisé sa réserve de crêpes. Elle regarda autour d'elle : elle était dans une petite ville froide et inconnue. Mais elle se dit que désormais ce serait sa ville. La princesse trouva une jolie maison lui rappelant le vieux château de ses parents. Puis elle s’acheta un four, de la farine et du lait et se mit à faire des crêpes, pour combler la faim creusée par la nostalgie maternelle. Toute occupée à ses crêpes, elle oubliait de penser – et donc elle oubliait d'être malheureuse et de s'ennuyer.
Mais un matin, la farine manqua. [...]
10 commentaires:
Pourquoi veux-tu le remettre dans le TGO ? en tous les cas, je veux bien lire la suite :)
bien sûr que je veux la fin !! Tu m'envoie un petit mail? Geisha Line ? Merci !
et aussi, je dirai Leibniz ?
Moi aussi! Je le veux! Maintenant je pense á Rousseau, á l'importance du travail. Mais oui, peut-étre il y a dedans plus de petites philosphie cachées.
Tu es trés sévére á toi-méme, mais c'est bien! J'ai sourié en lisant ton introduction (de ton post). Moi aussi, quelques fois je trouve trés moche mes dessins anciens.
ojni la lettre 'a' spéaciale et freemail point hu
Moi, je dirais que la référence c'est Voltaire (Candide, "tout est pour le mieux dans le meilleur des monde...")...mais bon, ça peut être plein d'autres choses aussi !
En tout cas, j'aime vraiment beaucoup ton histoire, je me retrouve aussi un peu dedans et serais curieuse de connaitre la fin ! ...y a pas à dire, tu es vraiment douée, et je serais ravie d'illustrée une de tes histoires, si un jour tu as le temps de m'en écrire une !
Merci les filles ! Je vous ai envoyé par mail le texte !
Bravo Séverine ! Tu as trouvé le philosophe caché ! On se demande bien pourquoi tu ne veux pas de ton cadeau (un exemplaire de La Monadologie de Leibniz !!!)
S'il n'est pas top tard, je veux bien la suite par mail. Tout comme Ojni, je te trouves sévères avec toi-même mais je ne vais pas te le répéter à chaque comm. En lisant cette histoire je me suis demandée pourquoi est-ce que tes personnages féminins (pas tous...) étaient des princesses et pourquoi elles n'avaient pas... : pas de rêves, pas de vie ?
et j'ai gagné ! trop fière, la mouche !
Bonjour je voudrai bien la suite de votre histoire
Sam > Envoie-moi ton adresse mail à l'adresse paddymoun[at]gmail[point]com !
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