Le père d'Henri est un auteur de livres pour enfants. Un écrivain - et un vrai de vrai : un écrivain à succès qui passe à la télé et ramène plein de sous à la maison ! Seulement voilà, un jour le papa d'Henri se rend compte brusquement qu'il n'arrive plus à écrire : l'envie s'est envolée et ça ne l'amuse plus du tout. Il trouve un petit boulot de gardien de musées et, au lieu de se réfugier dans son bureau pour écrire, s'abrutit chaque soir devant la télévision.
Cette situation ne plaît pas du tout à Henri. L'enfant décide de vivre de folles aventures avec ses copains : il faut qu'Henri ait quelque chose de palpitant à raconter à son papa pour lui redonner l'envie d'écrire une nouvelle histoire. Voici donc Henri et sa nouvelle bande de copains prêts à revivre les aventures de Tintin au Congo et se lançant dans une expédition débutant dans les égouts de Paris... Le résumé en quatrième de couverture de ce roman de Christophe Donner, Mon dernier livre pour enfants, m'a tout de suite attirée. Un écrivain qui n'arrive plus à écrire ? Tiens, tiens, ça me dit quelque chose ça (suivez mon regard !) ! Je n'ai pas été déçue par ce petit roman, particulièrement savoureux lorsqu'il entre dans les détails de la vie quotidienne du papa (ex-)écrivain. Et puis j'ai bien relevé les clins d'oeil rigolos, comme celui fait au personnage de l'éditrice, Mme Brisenoisette, dont le nom travesti fait penser à une célèbre éditrice de L'Ecole des loisirs !
Au-delà de l'histoire en elle-même, ce "livre pour enfants", ainsi que bien d'autres de Christophe Donner (comme Emilio ou la petite leçon de littérature, que j'ai lu il y a peu), pose une sacrée question : celle des rapports entre la littérature et la vie. Dans les romans de Chris Donner, les écrivains ne sont rien d'autres que des transcripteurs du réel : ils volent des anecdotes de la vie quotidienne de leur famille et les racontent, quasiment telles quelles, dans leurs livres. C'est pour cela que la maman d'Henri commence à en avoir un petit marre de voir sa vie privée affichée dans les livres de son mari ! Dire que "la vraie vie, c'est la littérature", ce n'est pas nouveau. Mais Chris Donner va plus loin encore : l'écrivain est moins un inventeur à l'imagination débordante qu'un chroniqueur du quotidien. J'ai ainsi retrouvé une vieille interview de Christophe Donner dans laquelle il explique qu'il "n'écri[t] que sur les gens qui [l']entourent, parfois contre leur gré" : "j'écris pour rendre hommage à ceux que j'aime, pour faire des gens ordinaires des héros de romans. C'est peut-être ça, l'art de l'écrivain : dire, et en disant, faire des êtres humains qu'il côtoie des héros."
Ce que j'aime chez Chris Donner, ce sont les ponts qu'il lance entre ses livres pour la jeunesse et, parmi tous ces carrefours, entre la fiction, l'autofiction et la réalité : on ne sait plus à la fin distinguer ce qui est vrai de ce qui est inventé, avec tous ces personnages qui sortent de la vie pour rentrer dans les histoires... et vice versa.
Je ne suis pas un écrivain à succès comme le père d'Henri du roman de Chris Donner. Et puis j'aime trop le jeu des masques et des sous-entendus pudiques pour jouer franchement à l'autofiction. Mais quand même, parfois, je me demande : est-ce que j'invente vraiment les histoires que je raconte ? Après avoir lu une de mes petites histoires, parfois on me demande, un peu incrédule : "mais où tu vas chercher tout ça ?" J'ai envie de répondre : nulle part et partout ! J'ai souvent le sentiment qu'il suffit d'ouvrir les yeux pour trouver des idées d'histoires et de personnages. Il y a des tas d'intrigues, des tas de personnes extraordinaires (dans tous les sens du terme) qui ne demandent que ça : à être attrapées et tirées doucement pour être transformées en roman. En un sens, le boulot de l'écrivain consiste à assembler toutes ces ficelles tirées du réel pour en faire un paquet solide - c'est-à-dire sinon crédible, du moins cohérent. Le plus dur alors n'est peut-être pas d'assembler, mais d'observer. Parce que la plupart des gens ne savent pas vraiment regarder. Ou même simplement avoir l'idée qu'il y a quelque chose à regarder...
Bon, maintenant, dit comme ça, ça semble facile d'écrire, n'est-ce pas ? C'est à se demander alors pourquoi en vrai je doute aussi souvent !
Au-delà de l'histoire en elle-même, ce "livre pour enfants", ainsi que bien d'autres de Christophe Donner (comme Emilio ou la petite leçon de littérature, que j'ai lu il y a peu), pose une sacrée question : celle des rapports entre la littérature et la vie. Dans les romans de Chris Donner, les écrivains ne sont rien d'autres que des transcripteurs du réel : ils volent des anecdotes de la vie quotidienne de leur famille et les racontent, quasiment telles quelles, dans leurs livres. C'est pour cela que la maman d'Henri commence à en avoir un petit marre de voir sa vie privée affichée dans les livres de son mari ! Dire que "la vraie vie, c'est la littérature", ce n'est pas nouveau. Mais Chris Donner va plus loin encore : l'écrivain est moins un inventeur à l'imagination débordante qu'un chroniqueur du quotidien. J'ai ainsi retrouvé une vieille interview de Christophe Donner dans laquelle il explique qu'il "n'écri[t] que sur les gens qui [l']entourent, parfois contre leur gré" : "j'écris pour rendre hommage à ceux que j'aime, pour faire des gens ordinaires des héros de romans. C'est peut-être ça, l'art de l'écrivain : dire, et en disant, faire des êtres humains qu'il côtoie des héros."
Ce que j'aime chez Chris Donner, ce sont les ponts qu'il lance entre ses livres pour la jeunesse et, parmi tous ces carrefours, entre la fiction, l'autofiction et la réalité : on ne sait plus à la fin distinguer ce qui est vrai de ce qui est inventé, avec tous ces personnages qui sortent de la vie pour rentrer dans les histoires... et vice versa.
Je ne suis pas un écrivain à succès comme le père d'Henri du roman de Chris Donner. Et puis j'aime trop le jeu des masques et des sous-entendus pudiques pour jouer franchement à l'autofiction. Mais quand même, parfois, je me demande : est-ce que j'invente vraiment les histoires que je raconte ? Après avoir lu une de mes petites histoires, parfois on me demande, un peu incrédule : "mais où tu vas chercher tout ça ?" J'ai envie de répondre : nulle part et partout ! J'ai souvent le sentiment qu'il suffit d'ouvrir les yeux pour trouver des idées d'histoires et de personnages. Il y a des tas d'intrigues, des tas de personnes extraordinaires (dans tous les sens du terme) qui ne demandent que ça : à être attrapées et tirées doucement pour être transformées en roman. En un sens, le boulot de l'écrivain consiste à assembler toutes ces ficelles tirées du réel pour en faire un paquet solide - c'est-à-dire sinon crédible, du moins cohérent. Le plus dur alors n'est peut-être pas d'assembler, mais d'observer. Parce que la plupart des gens ne savent pas vraiment regarder. Ou même simplement avoir l'idée qu'il y a quelque chose à regarder...
Bon, maintenant, dit comme ça, ça semble facile d'écrire, n'est-ce pas ? C'est à se demander alors pourquoi en vrai je doute aussi souvent !
- Mon dernier livre pour enfants, L’École des loisirs, Paris, 1992.
3 commentaires:
Bel article, ça m'a donné envie de le lire :)
Super ! C'était le but !
Merci de ta visite par ici !
Très jolie critique!
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