samedi 24 octobre 2009

Les possibles

Parfois tout le temps, je me demande si j'ai légitimement raison de vouloir écrire pour les enfants. Je ne suis pas institutrice, ni mère de famille nombreuse. Certes, certaines de mes histoires sont nées d'une conversation menée avec un petit assis sur mes genoux. Mais la plupart du temps mes histoires grandissent loin des enfants. Loin des enfants, mais peut-être pas loin de l'enfance. J'écris les histoires que j'aimerais lire, celles que j'aimerais qu'on me raconte le soir lorsque je me love dans la couette, ou bien celle que je trouve cachées au fond de moi, perdues peut-être dans ma mémoire d'enfant.
En vérité, je ne pense pas vraiment aux enfants quand j'écris une histoire. Bien sûr, je me dis abstraitement qu'il faut des mots simples et, lorsque je me relis, j'insère un point au milieu d'une trop longue phrase pour la rendre plus percutante. Mais lorsque le mot qui traduira exactement ce que je veux dire paraît un peu compliqué, je rechigne à en changer et à le remplacer par un synonyme qui visera la signification avec moins de justesse. Si seul ce mot veut dire ce que je veux dire, pourquoi en changer pour un moins bien ? Je n'aime pas trop les concessions lorsque j'écris. J'ai envie de croire que l'enfant qui, peut-être, me lira n'arrêtera pas sa lecture parce qu'il tombera sur un mot qu'il ne connaît pas et que, même dans son ignorance, il sera peut-être séduit par ce joli mot inconnu dont le sens ne lui dit rien, mais dont la musicalité déjà le séduit.
Je n'aime pas les voies directes - les morales bien pensantes et trop attendues, les équivalences claires du type "un paragraphe = une idée" (et pas une de plus). Je préfère les métaphores, les images insolites, les détours du style qui en trois mots ouvrent les significations au lieu de les enfermer. J'aime la simplicité, mais le simplisme m'ennuie. Les histoires dont je connais l'intrigue sans même les avoir lues me tombent des mains. Lorsque des expressions toutes faites menacent de se glisser sous mes doigts, je leur donne une claque pour qu'elles s'en aillent. Dans la lecture, comme dans l'écriture, j'aime être surprise. Et n'est-on pas bien souvent étonné par ce qu'on écrit soi-même ?
Alors, dois-je continuer de penser que je peux écrire pour les enfants ? Je ne sais pas, mais ce que je sais c'est que j'ai envie de croire qu'il n'y a pas seulement des livres pour les enfants, mais une littérature d'enfance. Pas seulement des quatrièmes de couverture indiquant des âges limites, mais de beaux textes qui peuvent être lus à tout âge et dans tous les sens.
Dans ma définition (informe et imprécise) de l'enfance, il y a un mot qui rejoint ma définition de la littérature. Ce mot, c'est possible. Pour un enfant, la vie est un grand champ de possibles. Sous la plume d'un écrivain, les mots mis ensemble ouvrent des possibles qui ressemblent à du réel sans en être. Tous ces possibles offerts, c'est ça que j'aime.



7 commentaires:

Gaëlle a dit…

Très beau et très vrai ! Continues d'écrire pour les petits enfants, les moyens enfants, les grands enfants, nous ne sommes pas tous des anciens enfants, non ? Moi, un jour quand je serai grande, je veux une de tes belles histoires pour essayer d'y mettre de petites images ;)

agnès a dit…

oui, tellement vrai!
Je partage également ton avis!
très bel article.

Rozenn Bothuon a dit…

Je pense au contraire que ce sont des gens comme toi qu'il nous faut! Pour ma part je ne supporte pas les histoires complètement niaises, avec des mots trop simple et une jolie morale: tout le monde il est gentil. J'ai hélas l'impression qu'aujourd'hui on sert aux enfants de plus en plus d'histoires bateaux, toute gentilles pour ne pas choquer ces "petits trésors". ( pas seulement dans la littérature... je pense aussi aux dessins animés) Je m'emporte un peu, mais je ne supporte pas le surprotectionnisme, les enfants ne sont pas con, pas tout le temps très sage et certainement pas si innocents que ça.
Comme toi, je les adore et je pense qu'il vaut mieux les aider à s'épanouir et à s'exprimer, plutôt que de les abrutir.
Je m'éloigne du sujet... peu être un peu trop, pour finalement te dire que oui, je pense que tu as raison de vouloir écrire pour les enfants. :D

Geisha Line a dit…

Berthe > Oui, on a tous une part d'enfant en nous, n'est-ce pas ? Et j'espère bien qu'on fera un joli projet toutes les deux !

Agnès > Merci de ton passage !

Rozenn > Ça fait du bien de lire un avis tranché comme le tien. Je suis entièrement d'accord avec toi et je suis contente d'entendre quelqu'un le dire et de voir que je ne suis pas seule à penser ainsi ! Merci !

Sandra_peinture a dit…

Rozenn a dit ce que je voulais dire donc pas mieux !

Eäréwen a dit…

Si je peux me permettre... j'ai deux enfants, et la chance qu'ils soient vraiment très doués (sans vanité ^^), et je suis certaine que les enfants peuvent entendre des mots réputés difficiles, du moment que la personne qui raconte l'histoire est capable de l'expliquer. A la demande de l'enfant bien sûr. Ces mots "difficiles" ont un vrai sens, une identité propre, qui est perdue si on se sent obligé de l'atténuer par un vague synonyme... je me trompe ? Pour l'enfant c'est en plus une excellente manière d'enrichir son vocabulaire, de ne pas utiliser que "faire" ou "dire" ou que sais-je encore, mais de jolis mots bien plus précis... les miens ont adoré découvrir de nouveaux mots, quitte à me taquiner quand je peinais à mettre à leur portée tel ou tel mot qui leur était inconnu, et très vite ils se les sont appropriés... et il est beaucoup plus amusant d'entendre un enfant de 3 ou 4 ans se gargariser de mots "compliqués" que de grossieretés ;-) n'est-ce pas ? ^^

Bref, je suis bavarde, désolée, mais oui ! je pense qu'il est merveilleux d'écrire pour les enfants sans les prendre pour des géraniums décérébrés, et oui! je pense que tu as raison de vouloir écrire pour eux ! Continue =)))

Eäréwen a dit…

(J'ai oublié de préciser une chose, qui me revient en relisant mon commentaire - argh, on se relit *avant* de cliquer sur "publier", ooops ^^)

Quand je ne savais pas comment expliquer un mot, zou on filait le nez dans le dico, au début un dico prévu expresséement pour les pitchounes, je n'ai plus sa référence, mais c'était un dictionnaire adapté, puis plus tard, on a ouvert le 'gros dico' ^^ Et bien ma fille de 6 ans et demi a à présent ce réflexe de chercher les mots qu'elle ne connaît pas =)) Je suis fière =)) Mais je crois que cela démontre un peu l'utilité pédagogique, en plus du plaisir de la découverte, de ces mots difficiles que tu ne dois pas hésiter à conserver dans leur jus d'origine ^^

Vala, j'ai fini ma bafouille, désolée si je suis trop longue pour un simple commentaire !