Ce n'était pas vraiment ce matin,
papa a dit que c'était pendant la nuit
mais moi, je dormais pendant la nuit,
alors ça ne change rien.
Pour moi, elle est morte ce matin."
C'est sur ces mots terriblement poignants que s'ouvre l'album écrit par Charlotte Moundlic, La Croûte, publié chez Père Castor. Le thème de l'histoire est tout de suite donné, l'émotion aussi. Pas facile de parler de la mort, et encore moins facile de faire parler un enfant de la mort de sa maman. Pourtant cet album y parvient avec une force et une pudeur inégalées.
Le narrateur, un petit garçon, vient de perdre sa maman. Enfin "perdre" n'est pas vraiment le mot qui convient, car dans la bouche du petit garçon les mots sont entiers et ne s'enrobent pas dans des images improbables, comme ceux des adultes :
"Papa m'a dit : "Elle est partie pour toujours."
Je sais qu'elle n'est pas partie, elle est morte et je ne la verrai plus,
on va la mettre dans une boîte et puis dans la terre
où elle se transformera en petite poussière.
Tout le monde sera gentil avec moi
et personne ne me dira que c'est pour la vie.
Je sais très bien que mourir, ça veut dire qu'on ne vivra plus jamais."
Les premières réactions du petit garçon sont violentes. Il en veut à sa maman qui l'a abandonné "avant la fin du troisième trimestre", sans même prendre le temps de montrer à papa comment étaler en zigzag le miel sur la tartine de pain du petit déjeuner. Alors, le petit garçon prend soin de son papa qui est si triste : peut-être qu'en s'occupant de la douleur des autres, on ne pense plus à la sienne ? Et puis c'est vrai que "comme adulte, [papa] n'est pas facile."
Mais le temps passe. Et avec lui l'odeur de maman s'efface. Vite, il faut fermer les fenêtres pour "continuer à respirer maman" et se boucher les oreilles et la bouche pour ne pas effacer sa voix. Et puis aussi ne pas laisser se refermer la petite croûte qui s'est formée sur le genoux, après la chute dans le jardin, parce que tant que le sang coulera, le petit garçon gardera la "voix de maman".
La force du texte de Charlotte Moundlic vient sans doute du fait que l'histoire est vue et racontée du point de vue de l'enfant. Pas de désir d'adoucir la douleur en adaptant un ton moralisateur ou rassurant. C'est l'enfant qui parle et c'est dans sa conscience que nous invite à entrer l'auteur.
L'histoire est magnifiquement soutenue par les illustrations d'Olivier Tallec. L'illustrateur a pris le parti d'utiliser une palette graphique fortement axée sur la couleur rouge. Rouge du sang qui coule, rouge de la souffrance ? Rouge de la vie aussi. Car si les mots sont graves, les dessins ne sont pas pesants, l'omniprésence du rouge venant donner une chaleur et une présence à la voix narrative. Le petit garçon est drôlement attachant. On est triste avec lui. Et pourtant, la vie continue, n'est-ce pas ? C'est ce qu'il nous apprend.
J'ai été touchée par cet album. Je crois que moi-même, je n'aurais pas osé m'attaquer à un thème comme celui-ci. Pas maintenant en tout cas. Je ne pense pas qu'il faut avoir vécu quelque chose pour (bien) le raconter, mais je pense qu'en le racontant on se met à le vivre en quelque sorte. Et je n'aurais pas été prête à vivre ainsi une telle souffrance et trouver les mots justes pour la raconter.
Alors bravo à ceux qui trouvent en eux l'émotion pour poser des mots sur une expérience aussi lourde...
Le narrateur, un petit garçon, vient de perdre sa maman. Enfin "perdre" n'est pas vraiment le mot qui convient, car dans la bouche du petit garçon les mots sont entiers et ne s'enrobent pas dans des images improbables, comme ceux des adultes :
"Papa m'a dit : "Elle est partie pour toujours."
Je sais qu'elle n'est pas partie, elle est morte et je ne la verrai plus,
on va la mettre dans une boîte et puis dans la terre
où elle se transformera en petite poussière.
Tout le monde sera gentil avec moi
et personne ne me dira que c'est pour la vie.
Je sais très bien que mourir, ça veut dire qu'on ne vivra plus jamais."
Les premières réactions du petit garçon sont violentes. Il en veut à sa maman qui l'a abandonné "avant la fin du troisième trimestre", sans même prendre le temps de montrer à papa comment étaler en zigzag le miel sur la tartine de pain du petit déjeuner. Alors, le petit garçon prend soin de son papa qui est si triste : peut-être qu'en s'occupant de la douleur des autres, on ne pense plus à la sienne ? Et puis c'est vrai que "comme adulte, [papa] n'est pas facile."
Mais le temps passe. Et avec lui l'odeur de maman s'efface. Vite, il faut fermer les fenêtres pour "continuer à respirer maman" et se boucher les oreilles et la bouche pour ne pas effacer sa voix. Et puis aussi ne pas laisser se refermer la petite croûte qui s'est formée sur le genoux, après la chute dans le jardin, parce que tant que le sang coulera, le petit garçon gardera la "voix de maman".
La force du texte de Charlotte Moundlic vient sans doute du fait que l'histoire est vue et racontée du point de vue de l'enfant. Pas de désir d'adoucir la douleur en adaptant un ton moralisateur ou rassurant. C'est l'enfant qui parle et c'est dans sa conscience que nous invite à entrer l'auteur.
L'histoire est magnifiquement soutenue par les illustrations d'Olivier Tallec. L'illustrateur a pris le parti d'utiliser une palette graphique fortement axée sur la couleur rouge. Rouge du sang qui coule, rouge de la souffrance ? Rouge de la vie aussi. Car si les mots sont graves, les dessins ne sont pas pesants, l'omniprésence du rouge venant donner une chaleur et une présence à la voix narrative. Le petit garçon est drôlement attachant. On est triste avec lui. Et pourtant, la vie continue, n'est-ce pas ? C'est ce qu'il nous apprend.
J'ai été touchée par cet album. Je crois que moi-même, je n'aurais pas osé m'attaquer à un thème comme celui-ci. Pas maintenant en tout cas. Je ne pense pas qu'il faut avoir vécu quelque chose pour (bien) le raconter, mais je pense qu'en le racontant on se met à le vivre en quelque sorte. Et je n'aurais pas été prête à vivre ainsi une telle souffrance et trouver les mots justes pour la raconter.
Alors bravo à ceux qui trouvent en eux l'émotion pour poser des mots sur une expérience aussi lourde...
- Une jolie critique sur la Soupe de l'espace
- Un entretien avec Olivier Tallec sur Ricochet
La Croûte
Charlotte Moundlic
Illustrations d'Olivier Tallec
Flammarion /Père Castor
Mars 2009
6 commentaires:
Que pourrais je dire? Je ne souhaite pas que tu écrive une seule histoire qui parle de la mort!
Merci pour cette presentation. La prochaine fois je vais le chercher en France. Et merci pour les liens aussi. J'adore les illus d'Olivier. Dommage que son site est disparu, mais l'entretien est trés utile, il dit les choses trés importantes á propos du role, de la relation entre l'image et le texte. Merci.
J'en avais entendu parler... tu donnes envie de le lire même si le thème est douloureux. Tu m'épates aussi, tu sais !
J'aime bcp Olivier Tallec, et ta présentation donne vraiment très envie ! J'irai voir ça, même si le thème est "dur" !...
J'aime ce que tu en dis, j'en avais déjà entendu parler et ça m'émeut terriblement à chaque fois :/
Ojni,
il faut regarder sur www.oliviertallec.fr
ça a l'air magnifique en effet mais... je trouve que ce type d'albums s'adresse finalement plus aux adultes qu'aux enfants, qui, s'ils sont comme les miens, pleureraient corps et âmes en lisant un texte pareil... déjà que lorsque j'écoute "petit garçon" de Reggiani, mon fils de 9 ans me supplie d'éteindre "parce que sinon je vais pleurer"... je ne me verrai pas du tout leur lire un album comme celui-là. Il est néanmoins très beau !
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