dimanche 22 novembre 2009

L'attente

Je voulais écrire une histoire sur l'attente. Parce que l'attente occupe une place importante dans ma vie (surtout en ce moment). Parce que tout le monde attend, même si on ne sait pas toujours ce qu'on attend.
Alors j'ai tourné cette idée dans ma tête. Je me suis répétée : l'attente, qu'est-ce que c'est ? Presque d'emblée une image s'est imposée à mon esprit : celle d'une femme qui attend tellement qu'elle prend racine.
Un soir, j'ai confié l'idée à monsieur Moun. Je lui ai dit comme ça : "je voudrais écrire l'histoire d'une femme qui prend racine et se transforme en arbre". Monsieur Moun a rigolé. Il a dit : "ce n'est pas un sujet d'histoire, ça !"
Mais l'image était dans ma tête. Impossible de la chasser. Alors au fil des jours, j'ai laissé mon histoire germer. Sur le chemin du travail, dans le métro, le soir avant de m'endormir, j'ai arrosé mon idée. Et finalement une histoire a poussé. Histoire que j'ai laissé fleurir aujourd'hui sur le papier.

Voici un extrait de mon histoire, à peine descendue de son arbre :


[...]

Le jour, j’attendais la nuit. La nuit, j’attendais le matin. Hier, j’attendais aujourd’hui et aujourd’hui j’attendais demain. En hiver, j’attendais le printemps et au printemps j’attendais l’été. Lorsque j’étais triste, j’attendais d’être joyeuse, et lorsque la joie m’avait trouvée, j’attendais de la retrouver.

Toujours, j’attendais.


Assise devant l’horloge, je regardais le temps qui tournait. Les minutes, les heures, les jours, les semaines. Le temps passait et moi j’attendais.

Le temps creusait le coin de ma joue. Mais moi, j’attendais toujours.

L’hiver commençait à s’égarer dans mes cheveux noirs. Mais moi, j’attendais encore.


J’attendais tellement que forcément, un jour, c’est arrivé : j’ai pris racine. C’est arrivé comme ça, sans que je m’en aperçoive. Un jour, j’ai détourné mes yeux de la grande horloge et j’ai regardé mes pieds. Je ne les ai plus vus : ils avaient commencé à s’enfoncer dans la terre. J’ai passé la main dans mes cheveux. Mais ils étaient devenus forts et allongés comme des branches.

Au début, j’ai été surprise. Je suis devenue un arbre, me répétais-je, ce n’est pas si commun ! Mais en vérité, je n’avais pas le temps d’être étonnée. J’avais bien autre chose à faire : attendre.

Attendre plus que jamais.


Les semaines, les mois, les années. Mon arbre grandissait. J’avais confiance en lui et sa présence me rassurait.

À l’été, vert et généreux, mon arbre m’offrait ses fruits. Mon attente était gourmande. Je croquais dans les pommes de mon arbre et accrochais ses cerises jumelles à mes oreilles.

À l’automne, timide et mélancolique, mon arbre m’enveloppait de mille couleurs dorées. Mon attente s’effeuillait. Je regardais les branches de mon arbre dénuder sa tristesse et j’enroulais mon attente dans ses feuilles rouges et craquantes.

À l’hiver, seul et glacé, mon arbre m’apprenait à vieillir. Mon attente était sereine. Je m’accrochais aux branches nues de mon arbre et je balançais mon attente en regardant la neige tomber.

[...]





9 commentaires:

Séverine Vidal a dit…

Comme quoi l'attente a du bon : elle t'a inspirée. Et tu as écrit un très beau texte.

Bénédicte a dit…

comme quoi il faut toujours laisser murir les belles idées :)

Katia Levkova a dit…

Quel beau texte !!! Il m'évoque beaucoup des belles images et c'est très poétique, j'adore !

Sandra_peinture a dit…

Tes textes m'étonneront toujours ! Je ne veux pas être désobligeante envers monsieur Moun mais je crois que tu fais bien de ne pas l'écouter.

Maëlia a dit…

Je t'ai découverte sur le projet 7 avec la très belle histoire de Brune. Je viens de lire ton nouveau texte et là encore je tombe sous le charme. Bravo! A très bientôt!

Eäréwen a dit…

c'est très joli... merci beaucoup pour cette agréable moment de lecture ...

PS je découvre ton blog, alors je file vite voir le reste des articles ;-)

Geisha Line a dit…

Merci pour tous vos commentaires !

Séverine > Il faut bien qu'attendre serve à quelque chose parfois !

Bénédicte > Oui, les bonnes idées doivent être cueillies à point ! Et parfois chez moi elles mettent des mois voire des années à mûrir !

Katia > Je suis heureuse que ce texte te plaise ! En fait, il s'agit d'un texte sur l'attente d'un enfant...

San-tooshy > Je n'écoute jamais monsieur Moun ! En plus, j'ai raison, car au final je crois que monsieur Moun a beaucoup apprécié ce texte !

Maëlia > Merci de ta visite ! Je te suis également par blog interposé et j'aime beaucoup ce que tu fais !

Eäréwen > Merci de ton passage par ici et de tes gentils messages ! C'est chouette d'avoir un retour sur ce qu'on écrit !

Agnès a dit…

C'est beau, tout simplement, comme d'habitude...

fée violette a dit…

j'aime ! j'aime ! j'aime ! j'adore !
poésie, mélancolie... tu écris joliment !