jeudi 14 mai 2009

Claude et non pas François, bien sûr

Les Lucioles ont lancé un atelier d'écriture. Cette semaine, la contrainte est de commencer ou de terminer un texte par l'expression "Et patatras". En lisant le thème, j'ai aussitôt pensé à Vidéo Gag et je me suis dit qu'il y allait y avoir des glissades et des roulades à gogo ! Alors j'ai cherché une chute qui ne soit pas physique. J'ai aussitôt pensé à la chute d'une histoire et je me suis dit que j'allais écrire une histoire qui n'en serait pas une - une sorte de méta-histoire en forme d'art poétique un peu farfelu.
Voilà, ça donne ce texte sans prétention, écrit hier dans le TGV Paris-Nantes, sous les ronflements de mon voisin de siège.

Mon histoire

Bon, ben voilà, c’est décidé. Je vais commencer mon histoire par ces mots-là : « bon, ben voilà ».

– Comment donc ! Tu n’y penses pas, inconscient ! se sont exclamés en cœur Charlpé Rot et Clodmo Riaque en laissant échapper leur plume et leur encrier dans un accès de colère.

– Une vraie histoire commence toujours par « Il était une fois », a annoncé doctement Charlpé.

– … Ou alors, à la rigueur, elle peut débuter par « La marquise sortit à 5 heures », a rétorqué Clodmo d’un air entendu.

– Pfff ! Je fais ce que je veux, c’est moi l’auteur ! ai-je lâché avec assurance sans me laisser démonter.

Dans mon histoire, il n’y aura pas de personnage. Pas de décor non plus, ni même d’intrigue. Le vide absolu : voilà ce qui fera mon histoire !

– Quoi ! Tu n’y penses pas, gamin ! a soufflé dans sa barbe blanche le vieux Vic Torrugot. Dans une vraie histoire, il faut de l’action et des péripéties.

– … Et des gens en costume qui font l’action, a ajouté Charlpé Rot dans un hoquet.

– … Ou du moins qui font semblant, a poursuivi Clodmo Riaque avec malice.

– Et puis quoi encore ! ai-je soufflé, excédé devant ces trois messieurs qui prétendaient me faire la leçon. C’est moi l’auteur, je fais comme je l’entends !

Dans mon histoire, il n’y aura pas de fin. Juste une queue de poisson qui file en douce dans un faux-fuyant. Ça se terminera comme ça, sans qu’on s’aperçoive que ça a commencé !

– Diantre ! Tu n’es pas sérieux, petit prétentieux ! se sont écriés d’une même voix mes trois professeurs, catastrophés.

– Une vraie histoire doit avoir une issue fatale et se terminer dans le sang et la révolte ! a clamé monsieur Torrugot d’une voix sentencieuse.

– … Ou alors se conclure dans les langes et les biberons ! a complété monsieur Rot, expert en faire-parts de mariages et de naissances multiples.

– Taisez-vous donc, messieurs ! Prétendez-vous écrire mon histoire à ma place ? C’est moi l’écrivain, que je sache !

Bon ben voilà, c’est décidé. S’il faut une chute à mon histoire, elle se fera avec fracas et sparadrap. Juste comme ça :

Et patatras !



Je sais bien que ce texte n'est pas pour les enfants. Mais j'ai souvent du mal à m'empêcher des petits clins d'œil littéraires dans mes histoires. J'aime bien les références qui se croisent et les personnages qui se font du coude entre les lignes. Je crois que l'intertextualité - puisque quand on monte des ponts entre les textes, c'est comme ça que ça s'appelle du mot savant - est une source essentielle de mon inspiration. Le plus curieux, c'est que j'intertextualise souvent à mon insu !

Bon, maintenant, honte à moi, dans ma première version du texte, j'avais parlé de "Franz Soimoriaque". Or, l'auteur de La marquise sortit à cinq heures est évidemment pas le père, mais le fils ! L'homme génial qui a passé une partie de sa vie à écrire son journal et une autre partie de sa vie à le découper et à le recoller dans l'illusion d'immobiliser le temps dans un souvenir réinventé.

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