Un après-midi d'avril, à Hahoé, petit village traditionnel de la campagne coréenne, un minuscule oiseau s'est entiché de nous, et est venu composé la bande son de notre voyage. Perché sur le toit d'un temple, regardait-il pleuvoir les fleurs des cerisiers ? Ou bien se moquait-il de nous, pauvres touristes français perdus dans ce village d'un autre temps ?
D'un battement d'ailes, l'oiseau s'est envolé. J'ai continué mon chemin sans rien voir. Sans voir que le petit piou-piou s'était glissé dans ma valise pour m'accompagner au Japon. Là, de moineau, il est devenu canari (et a raté la chirurgie esthétique de son bec... mais ça s'est une autre histoire !).
Maintenant, le petit oiseau d'Asie me regarde taper les lettres sur le clavier. Je dois fermer les yeux très fort et fouiller tout au fond de ma mémoire pour l'entendre à nouveau chanter. Pourtant, je crois qu'il a de saines lectures et qu'il devrait bientôt acquérir à son tour la rage de l'expression.
J'espère qu'il a caché sous ses ailes fleuries quelques jolies histoires et qu'il saura me les souffler discrètement..."Le mot OISEAU : il contient toutes les voyelles. Très bien, j'approuve. Mais, à la place de l's, comme seule consonne, j'aurais préféré l'L de l'aile : OILEAU, ou le v du bréchet, le v des ailes déployées, le v d'avis : OIVEAU. Le populaire dit zozio. L's je vois bien qu'il ressemble au profil de l'oiseau au repos. Et oi et eau de chaque côté de l's, ce sont les deux gras filets de viande qui entourent le bréchet."
Francis Ponge, La rage de l'expression, "Notes prises pour un oiseau", (c) Editions Gallimard, page 31.
2 commentaires:
"La rage de l'expression "...J'ai jamais accroché du coup je l'ai donné à quelqu'un qui aimait la poésie et finalement il est beaucoup mieux chez cette personne.
C'est vrai que ce bouquin n'est pas facile à lire ! Je l'ai ressorti un peu par hasard de ma bibliothèque, il y a quelques jours. En ce moment, j'en lis des passages avant de dormir. Je passe certaines pages en diagonale, car c'est parfois un peu ennuyeux. Mais je trouve Francis Ponge assez génial dans sa façon d'observer un objet et d'aller au plus profond dans les mots pour trouver coûte que coûte l'expression qui saura recréer l'objet dans le langage...
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