C'est rigolo la vie de maman au foyer. Le biberon du matin devant les
Maternelles, les petits bodies roses pleins de caca qui tournent dans la machine à laver et les balades de l'après-midi jusqu'au square, qu'il vente ou qu'il fasse canicule. Mais bon, une fois que bébé fait ses nuits, sait manger (à peu près) correctement et a (parfois) la décence d'attendre le soir l'arrivée de papa pour faire ses crises de larmes, on fait quoi ?
- Option 1 : se lamenter de n'avoir plus de vie sociale.
- Option 2 : devenir une vraie housewife et faire le ménage de fond en comble.
- Option 3 : reprendre ce qui nous plaisait dans sa vie d'avant.
Après avoir plongé dans l'option 1 et rejeté d'un bloc l'option 2 (non, mais, faut pas pousser quand même !), je me suis prise en main ce matin pour étudier avec sérieux l'option 3 !
Alors voilà l'organisation d'enfer de la maman écrivain :
- le transat installé tout près de l'ordi (pour écrire avec une main sur le ventre de bébé et l'autre sur le clavier)
- la tétine à portée de main (pour rendre le bébé bouche bée)
- le vieux cahier d'histoires (pour ressortir les idées oubliées)...
... et voilà, la Sardine et moi, on est lancées ! A raison d'un biberon toutes les trois heures, il faut écrire vite et ne pas laisser échapper le fil de ses idées... Mais on y croit, einh !
Alors pour la route, voici une petite histoire sans prétention, histoire de se faire la main...
Princesse Violette
Ce matin, Lucie s’est levée du pied droit. Elle a enfilé son pied gauche dans sa botte violette et a déposé sur sa tête une couronne violette en carton. Puis Lucie a pris un air inspiré et a déclaré avec solennité :
– Ne m’appelez plus Lucie, mais nommez-moi désormais Princesse Violette !
Voilà, c’est dit. Ainsi a parlé la princesse !
Sur la table du petit déjeuner, Maman a disposé le bol de Lucie et des biscottes aux fraises. Mais Lucie prend un air dégouté.
– Non, Madame, pas de chocolat au lait ! À son lever royal, Princesse Violette ne prend que du lait d’ânesse trait les soirs de pleine Lune !
Ainsi a parlé la princesse.
Maman sourit.
Dans la salle de bain, Maman tend à Lucie sa brosse à dents et le tube de dentifrice. Mais Lucie tourne la tête et rejette du bout des doigts le tube en plastique.
– Non, Madame, pas de brossage de dents ! Lors de sa toilette royale, Princesse Violette doit déposer du far à paillettes violet sur ses beaux yeux et oindre ses cheveux de parfum à la violette !
Ainsi a parlé la princesse.
Maman hausse les épaules.
Devant le placard de l’entrée, Maman tend à Lucie son gros manteau chaud, celui qui permet d’affronter la fraîcheur du matin. Mais Lucie laisse échapper le manteau de laine et attrape un chemisier en soie violette.
– Non, Madame, pas de veste noire ! Pour ses sorties royales, Princesse Violette ne sort jamais sans sa robe de bal, son diadème et son collier de perles !
Ainsi a parlé la princesse.
Maman soupire.
Devant la maison, Maman, qui s’impatiente, ouvre la portière de la voiture, jette le cartable sur la banquette et dit à Lucie : « Allez, grimpe ! » Mais Lucie prend un air choqué.
– Non, Madame, pas d’engin à moteur ! Pour ses balades royales, Princesse Violette ne se déplace qu’en carrosse tiré par sept chevaux blancs !
Ainsi a parlé la princesse.
Maman fait les gros yeux.
Puis Maman explose.
Et rugit.
Et tempête.
– Alors Lucie, si tu es Princesse Violette, moi je suis la Reine Mère. Et la Reine Mère voit rouge et va appeler le Roi Père qui va te faire une peur bleue ! Tu en verras de toutes les couleurs, ma fille, c’est moi qui te le dis !
Ainsi a parlé Maman.
Lucie soupire. De nos jours, la royauté n’est plus ce qu’elle était jadis. La fillette range dans son cartable son diadème violet, recouvre son corsage violet de son gros manteau chaud et regarde Maman en murmurant.
– Bon, d’accord, je veux bien faire ce que tu me demandes…
Lucie sourit, puis fait un clin d’œil :
– Je fais tout ça, parce que, peut-être qu’à l’école, il y aura le prince charmant ! Tu ne crois pas, Maman ?