Premier jour de l’été, premier jour avec toi.
Tu n’es pour moi que quelques chiffres sur un papier tendu par l’homme en blouse blanche.
Mais je t’imagine, petite graine de coquelicot apportée par la cigogne, petite pousse de rêve éclose dans une rose.
je t’attends.
Je gravis les montagnes, monte en haut des sommets.
Mais au bord du dangereux précipice, je pense soudain à toi, petit espoir de vie.
Je vais devenir maman, je dois prendre soin de toi.
Alors je m’assois et laisse les autres gravir les sommets sans moi.
Je ne suis plus tout à fait la même
je t’attends.
Tu as grandi. Tu arrondis mon ventre.
Plus personne ne peut douter de ton existence désormais.
On me demande si tu es une fille, un garçon. On me demande comment tu t’appelles.
Je réponds que peu importe.
Puisque l’important
je t’attends.
Hier, pour la première fois, je t’ai senti bouger sous ma main.
Tu es un petit poisson et mon ventre est un aquarium. Tu tournes en rond et fais des bulles.
Je vais à piscine et je me laisse flotter à la surface de l’eau. La main sur mon ventre, je murmure : nous sommes deux poissons dans l’eau
je t’attends.
Ton papa prend soin de moi pour que je puisse mieux prendre soin de toi.
Il toque contre la paroi de ta petite maison ronde et demande : toc toc toc, il y a quelqu’un ?
Tu lui réponds d’un coup de fesse. Aïe !
Tu sais me rappeler que tu es là et que
à t’attendre
Je plie tes pyjamas et tes bodies. Je range tes chaussons et tes bonnets. Je trie tes bavoirs et tes biberons.
Ton papa passe une dernière couche de peinture sur les murs de ta chambre.
Ta mamie te tricote ton premier manteau et ton papi monte ton berceau.
Voilà, nous sommes tous prêts. Je sais que ce sont
à t’attendre.
Je lève les yeux vers les nuages et je guette l’oiseau qui annoncera ta venue.
Et puis, une nuit, tu me réveilles. Tu as envie de sortir de ma maison où tu es trop à l’étroit. Tu me demandes : comment c’est dehors ? est-ce que c’est grand ? est-ce que c’est beau ?
Puis tu te faufiles. Cela fait un peu mal, le monde qui change en toi et en moi.
Tu es là.
Et c’est la vie qui t’attend.
Justine