jeudi 26 février 2009

Prendre le train des histoires

Parfois, j'ai l'impression qu'écrire une histoire, c'est comme conduire un train : il suffit de suivre les rails.

Cela ne veut pas dire que ce soit facile. Loin de là ! Il faut avoir acquis une certaine technique pour savoir quels boutons actionner sur le tableau de bord et bien faire avancer le train. C'est un métier, et ça s'apprend.
Suivre des rails, cela ne veut pas dire non plus que ça va toujours tout droit. Bien au contraire ! Souvent, ça monte, ça descend et ça prend des virages secs à 90° qui manquent de vous laisser tomber dans le fossé.

Mais enfin, quand on est sur les rails, ça avance.

Le plus difficile est de trouver les bons rails. Caler l'écartement des roues avec la largeur du chemin. Pas facile, ça demande des ajustements, des hésitations, des retours en arrière. Mais une fois qu'on a réussi à trouver les rails, ça roule. Souvent, je ne sais pas très bien où cela mène. J'ai pour seule certitude que cela avance vers quelque part et, au fur et à mesure que les mots se déroulent sous mes doigts, je suis moi-même surprise par le paysage que l'histoire fait défiler autour de moi. Avant de débuter le voyage, je pensais aller dans une certaine direction, j'avais dans ma tête des images, un plan. Mais à peine me suis-je calée sur les rails que l'histoire s'est mise à se dérouler dans sa propre logique, presque malgré moi. Je commence à avancer sur les rails de l'histoire et ce n'est plus tout à fait moi qui commande. C'est l'histoire qui a pris le volant, c'est elle qui me mène par le bout du mot et moi, simple ouvrière, je n'ai plus qu'à lui obéir.

Parfois, l'histoire me mène vers une impasse. J'avais cru aller loin. Mais non, à l'arrivée, il n'y a qu'un mur - un mur infranchissable, même en sautant à pieds joints.
D'autre fois, l'histoire me mène exactement dans la direction inverse de celle que j'avais cru choisir. Cela arrive que je sois déçue. Je me sens alors d'une faiblesse inavouable et je m'en veux de n'avoir pas su imposer à mon histoire mes quatre volontés. Mais il arrive aussi quelques fois que je sois agréablement surprise. L'histoire qui s'est écrite sur les rails est bien plus belle que toutes celles que j'aurais pu imaginer. J'ai dû mal à croire alors que j'en suis l'auteur. Je croise alors les doigts pour que le prochain voyage soit aussi magnifique que le précédent. Mais généralement, dans ce cas, le miracle ne se reproduit pas. Les histoires aiment bien me surprendre et ne vont jamais me chercher à la gare où je les attends.

C'est pour cela que j'aime écrire : tout simplement pour découvrir en moi-même ce que je n'aurais jamais cru pouvoir y trouver.

dimanche 22 février 2009

Une histoire, c'est fait pour être lue !

Tout à l'heure, j'ai fait un peu de ménage dans mes affaires. J'avais une pile de factures, de relevés de compte et d'autres vieux papiers qui dormaient depuis des semaines sur un coin de bureau. Pas très sérieux tout ça !

Sous la pile des papiers, j'ai retrouvé une belle pochette verte que j'avais acheté eil y a quelques mois pour y glisser les derniers textes que j'avais écrits. J'ai farfouillé dans toutes ces pages noircies, pour la plupart raturées à la main au crayon rouge (vieille habitude de prof !). Je n'ai rien relu - pas le courage... (je n'aime pas me relire sans m'y être préparée !). Mais j'ai soupiré. A quoi bon écrire toutes ces histoires si c'est pour les laisser dormir dans la grande pochette verte ?
Un texte, c'est fait pour être lu, non ?

Alors je me suis assise devant l'ordinateur, j'ai ouvert Blogger et j'ai modifié mon dernier message. Un coup de copier-coller et voilà : désormais, l'histoire du doudou de Vincent est à lire en entier ! Et il en sera très certainement de même pour les autres textes !

Bonne lecture ! Et n'oubliez pas de me laisser un petit mot si vous aimez (ou pas) !

mercredi 11 février 2009

Dis, tu me prêtes ton doudou ?

Il y a quelques temps déjà, j'ai rencontré Vincent, 2 ans. Lorsqu'il nous a vus, Moun et moi, il s'est réfugié dans les bras de sa maman. Il avait oublié que nous le connaissions déjà et que nous l'avions déjà tenu dans nos bras alors qu'il n'était qu'un tout petit bébé. Puis, au fil de l'après-midi, Vincent nous a apprivoisés. Un bon gros gâteau au chocolat l'a aidé à se réconcilier avec les amis qui étaient venus voler l'attention de ses parents.

Dans les bras de Vincent, il y avait un petit coussin tout blanc. "C'est son doudou préféré", a chuchoté sa maman. Celle-ci nous a expliqué qu'il y avait des tas de peluches dans sa chambre, mais que, toujours, Vincent revenait à ce coussin tout simple qui l'accompagnait partout.
Monsieur Moun s'est mis à la hauteur de Vincent et a avancé la main vers le doudou-coussin :
- Dis, Vincent, tu me prêtes ton doudou ? a-t-il demandé avec douceur.
Mais Vincent, du haut de ses deux ans, a lancé un regard noir à monsieur Moun. La violence de ce regard m'a frappée. Je n'aurais jamais cru que même chez de petits enfants le sens de la propriété pouvait être si marqué. Prêter son doudou ? Monsieur Moun n'y pensait pas ! Vincent n'a rien dit, mais il n'y avait aucun doute sur la réponse à l'innocente question de monsieur Moun !

En rentrant à la maison, je me suis dit que j'allais fabriquer un doudou pour Vincent. Un doudou-coussin avec du tissu blanc... mais pourquoi pas aussi avec des yeux et des oreilles pour lui donner un petit air plus personnel ? J'ai fait le dessin du doudou sur mon carnet... Et puis le temps a passé. Je n'ai pas eu le temps de ressortir ma machine à coudre et, pour le moment, le doudou-coussin n'existe que sur le papier.


Mais le regard noir de Vincent n'est pas sorti de mon esprit. Très vite, une histoire a grandi dans ma tête. Une histoire avec un petit garçon qui ne voudrait pas prêter son doudou. Une histoire sur le don, le partage et l'amitié.

Dimanche dernier, je me suis assise devant mon ordinateur et mon histoire s'est laissée écrire. C'est une toute petite histoire sans prétention. Mais j'aimerais bien lui donner des images. J'ai dans l'espoir de lui trouver un illustrateur. Des amateurs ?

***

− Dis, Valentin, tu me prêtes ton doudou ? demande Léa à son copain. Ton doudou si doux, je peux le câliner, moi aussi, pour passer avec lui une nuit pleine de jolis rêves ?

Prêter son doudou ? De la tête, Valentin fait non ! Dans ses bras, il serre encore plus fort son doudou tout moelleux. C’est son doudou rien qu’à lui. Son doudou qui, chaque nuit, l’accompagne dans ses rêves et chasse les fantômes et les cauchemars du soir.

Non, son doudou, jamais Valentin ne le prêtera !

− Dis, Valentin, tu me prêtes tes crayons de couleur ? demande Théo à son cousin. Tes crayons si beaux, je peux les utiliser, moi aussi, pour faire un dessin ?

Prêter ses crayons ? De la tête, Valentin fait non ! Dans la paume de sa main, il presse encore plus fermement ses crayons magiques. Ce sont ses crayons rien qu’à lui. Le crayon bleu lui sert à colorer le ciel immense de l’été, le rouge lui permet de couvrir les feuilles de son cahier de fleurs de coquelicots, le jaune illumine ses dessins d’un grand soleil et le vert le fait imaginer un arbre géant aux milles branches.

Non, ses crayons, jamais Valentin ne les prêtera !

− Dis, Valentin, tu me prêtes tes gants ? demande Tommy à son camarade. Tes gants de laine si chauds, je peux les mettre, moi aussi, pour faire un grand bonhomme de neige ?

Prêter ses gants ? De la tête, Valentin fait non ! Au fond de sa poche, il enfonce la paire de gants qu’il n’utilise pourtant plus, puisqu’il a fini de jouer dans le jardin. Ce sont ses gants rien qu’à lui. Grâce à eux, Valentin n’a jamais froid aux doigts. Grâce à eux, il peut faire les plus grosses boules de neige. Grâce à eux, il pense chaque jour d’hiver à Mamie qui les lui a tricotées et les lui a offerts à Noël dernier.

Non, ses gants, jamais Valentin ne les prêtera !

− Dis, Valentin, tu me prêtes ta Mamie ? demande Samia à son voisin Valentin. Ta Mamie si gentille, je peux rester avec elle, moi aussi, juste pour ce soir, pour ne pas être trop seule sans ma Maman et mon Papa qui rentrent tard de leur travail ?

Prêter sa Mamie ? De la tête, Valentin fait non ! Vite, il referme la porte au nez de Samia et se précipite dans la cuisine pour courir jusqu’aux bras de Mamie. C’est sa Mamie rien qu’à lui. Sa jolie Mamie, douce comme une fée, qui le couvre de bisous chaque jour lorsqu’il rentre de l’école et qui lui prépare de bons goûters au chocolat.

Non, sa Mamie, jamais Valentin ne la prêtera !

Ce soir, Valentin est triste. Il reste assis sur les marches de la maison et n’ose pas rentrer chez lui.

Tout à l’heure, à la sortie de l’école, Mamie n’était pas là pour venir le chercher, comme elle le fait chaque après-midi. À sa place, il y avait Papa. Papa avec un air grave et noir. Sur le chemin de la maison, Papa n’a rien dit. Il marchait vite, écrasant la main de Valentin dans la sienne. Ce n’est qu’en arrivant devant la maison que Papa a dit : « Mamie est tombée malade. Elle n’a pas pu venir te chercher. Elle ne le pourra pas demain, ni après-demain, ni non plus la semaine prochaine, et peut-être pas la semaine encore après… » Papa n’a rien ajouté. Il a ouvert la porte, s’est assis sur le canapé du salon et a laissé son regard se perdre dans le vide.

De l’autre côté de la fenêtre, Valentin a regardé Papa assis tout seul sur le canapé. Au coin de ses yeux, il a remarqué de toutes petites larmes. Elles étaient minuscules – mais dans la lumière du soir, elles brillaient presque. Valentin a été surpris : il croyait que les larmes des papas, ça n’existait pas.

Maintenant, Valentin est tout seul sur le perron. Il aimerait bien que Léa, Théo Tommy, ou Samia viennent et lui demandent :

− Dis, Valentin, tu me prêtes ta tristesse ?

Il pourrait alors leur répondre :

− Oh oui, je te prête ma tristesse ! Et puis même, je ne vais pas seulement te la prêter, mais je vais te la donner ! Tu pourras la garder pour toujours… et ce sera ta tristesse… ta tristesse à toi ! Ce ne sera plus la mienne !

Mais personne ne vient.

Et la tristesse de Valentin reste au fond de son cœur et rend humides ses paupières.

Soudain, Valentin entend son prénom. Il lève la tête. Devant lui, il y a Léa. Et puis aussi Théo, Tommy et Samia.

Léa approche ses lèvres des joues de Valentin :

− Valentin, je te donne pleins de bisous pour que tu fasses le plein de douceur !

Théo serre son cousin dans ses bras :

− Valentin, je te donne mon épaule pour que tu y déposes ton chagrin !

Tommy, à son tour, fait un large sourire à son camarade :

− Valentin, je te donne plein de sourires pour que tu y accroches ton espoir !

Et Samia, timidement, s’assoit aux côtés de Valentin et lui tend un bouquet de pâquerettes :

− Valentin, je te donne des fleurs pour que tu retrouves le printemps dans ton cœur !

Valentin ne sait plus quoi dire. À ses amis il avait refusé de prêter ce qui lui appartenait, et voilà que tous ils sont là pour lui donner ce qui lui est le plus précieux et ce dont il a le plus besoin aujourd’hui : leur amitié.

Valentin a presque oublié sa tristesse. Il ne pense désormais plus qu’à une chose : dire merci et partager cette merveilleuse générosité !