jeudi 25 mars 2010

Là où vont nos pères

Je continue de vous présenter mes coups de coeur du moment. Aujourd'hui, il s'agit d'un roman graphique qui n'est pas vraiment destiné aux enfants, mais qui est d'une profondeur telle que je ne résiste pas au désir de vous le faire connaître. Il s'agit d'une BD sortie en 2007 chez Dargaud : Là où vont nos pères (The Arrival dans le titre original) de Shaun Tan. C'est un formidable album sur l'émigration et la découverte d'un pays et d'une culture inconnus, véritable hommage au père de l'auteur, émigré malaisien parti vivre en Australie.
La narration part d'un parti pris audacieux : il n'y a aucun texte ! Seuls le titre, ainsi qu'une courte postface, en paratexte, apportent des indications formelles. Pour l'histoire proprement dite, ce sont les images - et l'imagination du lecteur - qui font tout le travail. Et quel travail ! Les dessins sont en monochromie, dans une teinte sépia, proche des photographies anciennes. Mais j'ai été d'emblée embarquée dès les premières pages par la beauté du trait et l'extrême précision des images, oscillant sans cesse entre réalisme exacerbé et fantastique délirant.
L'histoire est pourtant toute simple. Il s'agit d'un père de famille qui quitte sont pays natal pour embarquer dans un navire qui le mènera de l'autre côté de l'océan, dans un pays totalement inconnu. Histoire classique, tant de fois vécue, ici et là. C'est justement cette portée universelle qu'a choisie l'auteur. Les scènes ne se passent pas dans un pays déterminé. On imagine dans les premières pages les émigrés arrivant sur le sol américain à Ellis Island (Shaun Tan s'est d'ailleurs inspiré de photographie des migrants au début du XXe siècle). Mais l'histoire pourrait au fond se passer autre part.

(c) Dargaud

Les premières pages sont d'un grand réalisme. On a l'impression de lire un reportage photographique. Mais, insensiblement, lorsque le personnage débarque dans son nouveau pays d'accueil, l'atmosphère change. Des détails fantastiques, intrigants et déroutants, viennent peu à peu occuper les pages : des animaux aux formes bizarroïdes, des fruits inconnus... même l'alphabet utilisé sur les panneaux est insolite. Cette incursion du fantastique dans le réel traduit exactement le sentiment d'étrangeté du migrant : à quoi se fier ? tout est si différent du pays natal ! L'absence de texte contribue également à montrer ce fossé entre les deux mondes. L'aventure du migrant se fait dans la solitude, en-deçà du langage, au hasard des rencontres où la communication se fait par le mime plutôt que par les mots.

(c) Dargaud

Le point de vue sur l'émigration est optimiste. Les questions du racisme ou des préjugés culturels sont à peine abordées. Au contraire, la route du personnage est parsemée de belles rencontres, faites de solidarités et d'amitiés. L'alternance de petites vignettes et de grandes pages, semblables à des tableaux, nous fait voyager à travers le temps et l'espace.

(c) Dargaud

En refermant l'album, j'ai pensé à tous les migrants de mon entourage et j'ai eu envie de leur offrir ce livre.

  • Quelques critiques ici (toutes positives !)
  • Une interview de l'auteur ici

Là où vont nos pères
Shaun Tan
Dargaud
2007













mardi 23 mars 2010

Anatole et sa casserole

Voici un album que j'aime beaucoup : La petite casserole d'Anatole, écrit et illustré par Isabelle Carrier, paru en 2009 aux éditions Bilboquet. Anatole a des tas de qualités : il est attentionné, affectueux, aime la musique et le dessin... Mais les gens qui le croisent ne voient pas ses qualités. Ce qu'ils voient d'Anatole, c'est la petite casserole qu'il traîne derrière lui tout le temps et dont il ne peut se défaire. Cette petite casserole est bien encombrante : elle s'accroche partout, l'empêche d'avancer et le met à l'écart des autres enfants. Car les gens - enfants comme adultes - se méfient des différences et regardent avec suspicion ceux qui ne sont pas comme eux. Cela rend Anatole malheureux. Alors un jour il décide de se cacher sous sa petite casserole et de se mettre à l'écart du monde qui l'entoure.
(c) Editions Bilboquet.

Mais heureusement, on croise parfois des personnes extraordinaires. C'est le cas d'Anatole qui, grâce à l'aide d'une femme "extra", va apprendre à faire de sa petite casserole un atout et l'aider à accepter sa différence pour en faire une force.

(c) Editions Bilboquet.


La métaphore est simple : vous l'aurez compris, c'est un album sur le handicap et la différence. Mais la métaphore est ultra efficace est admirablement bien choisie. Le thème, pourtant difficile, est traité avec humour et légèreté, et également beaucoup de finesse. Les illustrations, au crayon de couleur et très stylisées, sont toute simples : quatre vignettes par double page, un peu comme une bande dessinée, sans cadre ni décor de fond. Anatole a une petite tête bien sympathique, avec son gros nez et ses joues roses. On a envie de s'en faire un copain, voire on s'identifie à lui.
Ne traînons-nous pas tous derrière nous nos petites casseroles ? Que ce soit une minuscule casserole Teifal ou toute une batterie de cuisine, l'important est d'apprivoiser nos casseroles pour qu'elles nous aident à avancer malgré tout.
Un album qui fait réfléchir et sourire. A mettre entre toutes les mains !


La petite casserole d'Anatole
Isabelle Carrier
Éditions Bilboquet
2009

lundi 22 mars 2010

Quand un mouton parle bouquins

Paddy, mon mouton adoré, ne parle pas que de la bouffe japonaise (malgré sa tendance sushi-addict) et des estampes d'Hiroshige. Non, non, je vous assure : il parle aussi des livres pour enfants... surtout quand ils sont franco-japonais !
Voilà, ça peut peut-être vous intéresser : ça se passe par ici !


vendredi 19 mars 2010

E N F I N !

Tadaaaammmmmm !
On est vendredi soir et il est 18h37. Cela signifie très exactement que :
1) nous sommes en week-end (mais ça, vous le saviez !) ;
2) le coursier de 18h30 de mon bureau est passé (mais ça vous n'en avez fichtre rien à faire) ;
3) le coursier de 18h30 est reparti avec mon dernier dossier hyper ultra urgent et hypra méga important. Et c'est là que cela devient intéressant à vous raconter, car cette information capitale signifie très exactement que :
1) j'ai terminé le gros boulot qui, depuis trois mois, accaparait 10 heures de mes journées, dévorait mes neurones et me transformait en cousine germaine d'Alekseï Grigorievitch Stakhanov ;
2) je vais avoir de nouveau le temps de retourner aux cours de gym, faire de longs déj' avec les copines, me faire des pauses cigarettes avec les collègues (même si je ne fume pas), quitter le bureau quand il fera encore jour (miracle !), reprendre les balades en vélo, musarder à la bibliothèque et dans ces lieux de perdition financière que sont les librairies, me préparer de gros goûters pour le quatre-heures avec thé vert et pain au chocolat et même penser aux vacances ;
3) and the last, but not least, en toute logique, je devrais donc revoir pousser mes petites idées plantées dans mon jardin en jachère et reconquérir le temps de vivre... donc le temps d'écrire !

Ah, ça fait sacrément du bien !

PS : Dites, les gens, si vous avez la méthode infaillible pour réussir à trouver le moyen de concilier vie professionnelle et vie créative, vous pouvez me la donner s'il vous plaît ? (Et ne me dites pas qu'elle n'existe pas, sinon je vais pleurer !)

lundi 8 mars 2010

En jachère

L'autre soir, il y a eu un violent orage dans mon jardin. Une belle et grosse tempête comme je n'en avais pas vue depuis longtemps. Pas toujours facile de se mettre à l'abri dans ces cas-là. Mais j'aurais dû m'en douter, car le ciel gris grondait depuis un moment.
Après la pluie, c'est venu comme évidence : mon jardin avait besoin de repos. Alors j'ai dessiné une pancarte sur laquelle je me suis appliquée à calligraphier "En jachère".
Mon jardin a trop travaillé ces derniers temps. Chut, maintenant, il se repose et il attend le printemps. Je vais pouvoir enlever mes bottes crasseuses, déposer mon rateau et partir me promener.
Ces derniers mois, j'ai oublié quel effet cela faisait de marcher dans les champs, le nez au vent. J'ai oublié comme c'était vital d'écouter, de sentir, de regarder. Du coup, j'ai oublié de fouiller sous les pierres et derrière les nuages à la recherche de graines miraculeuses. Vous savez, ces graines minuscules qui, parfois, se transforment en arbre géant et merveilleux quand on arrive à en prendre bien soin.
Et quand on ne sait plus écouter, sentir, regarder, on ne peut plus écrire. Plus du tout. Et ce "plus du tout" creuse un grand trou dans les jardins fleuris d'autrefois.
Voilà donc mon jardin en jachère. Quant à moi... chut... je m'en vais sur la pointe des pieds conquérir le temps et retrouver les choses qui font battre mon coeur.
Si vous me cherchez, je serai peut-être sous une branche de prunier en fleurs. Peut-être... ou peut-être pas !
A bientôt ?