Il y a quelques mois, j'ai trouvé dans ma boite mail un message qui commençait ainsi :
Chère Céline,Nous avons le plaisir de vous inviter au salon du livre francophone de Beyrouth...
Wahouh ! J'ai littéralement bondi de ma chaise. Oui, vraiment bondi : comme s'il y a avait un ressort sur mon coussin. J'ai relu le mail plusieurs fois, toujours en sautillant de joie... puis je me suis mise à douter : et si les destinataires du message s'étaient trompés et avaient voulu inviter une autre auteure plutôt que moi ? Plusieurs dizaines d'années plus tard, j'ai eu la même impression que j'avais eu à l'issue du bac, le jour où j'avais eu 16 sur 20 en anglais alors que mon anglais avait toujours été misérable (pendant plusieurs mois j'ai cru que j'allais recevoir un courrier m'informant qu'il y avait eu une erreur dans le relevé de notes et que j'avais eu 6 et non pas 16). Bon, bref, je m'égare... J'ai mis fin aux mauvaises pensées et j'ai reconnu que c'était bien moi qui étais invitée en qualité d'auteure jeunesse à ce prestigieux salon du Moyen Orient dont j'avais tant entendu parler.
Ni une ni deux, j'ai fait un conseil de famille avec moi-même pour décider que je répondrai fièrement à l'invitation et que j'en profiterai pour glisser dans ma valise mari et enfants. Oui, forcément : parce que le Liban n'est pas pour moi un pays comme les autres ! C'est le pays que m'a fait découvrir monsieur Moun il y a presque quinze ans, présentant fièrement sa fiancée toute fraîche à sa ribambelle de tantes, oncles et cousins. C'est le pays qu'on a arpenté tous les deux un été, puis quelques années plus tard tous les deux et demi (la photo où je pose de profil devant Raouché avec mon petit ventre rebondi reste gravée dans ma mémoire), puis quelques étés plus tard encore tous les trois (sous le regard étonné des chauffeurs de taxi qui nous voyaient débarquer avec notre siège auto pour y asseoir notre bébé... ah ah ils n'avaient jamais vu ça !). Bref, l'occasion était trop belle pour revenir au Liban cette fois-ci à quatre ! Avec en prime cette curieuse inversion des rôles : c'est moi, la Française, qui allait inviter mon petit mari Libanais !
Me voilà donc de retour après dix jours passés au pays "du miel et du lait" ! J'en reviens enchantée, séduite une nouvelle fois par ce pays qui n'en finit pas tour à tour de me surprendre, révolter et charmer.
J'ai adoré voir briller les yeux de ma Sardine lorsqu'elle croquait dans les fruits du jardin de sa grand-mère (pomelos, citrons, clémentines, oranges, kakis, grenades... tout cela à portée de main, quelle magie !).
J'ai adoré regarder ma petite Crevette courir dans le grand salon de la maison de ses grands-parents et jouer à chat avec sa soeur entre les figuiers et les oliviers.
J'ai adoré marcher entre les maisons blanches des rues étroites de Batroun et regarder le bleu de la mer se découper sous les arches de l'église Notre-Dame-de-la-Mer.
J'ai adoré me laisser avoir une nouvelle fois, moi qui ne suis pourtant pas néophyte, par tous ces délicieux repas à rallonge - Quoi, ce n'était que l'entrée et il y a les plats chauds qui arrivent maintenant ?!
J'ai adoré l'accueil et le sourire des Libanais, leur chaleur, leur gentillesse... même si 99 % d'entre eux se transforment en fous furieux lorsqu'ils ont un volant entre les mains (j'avais à mes côtés monsieur Moun, mon traducteur personnel, expert en injures d'automobilistes).
J'ai adoré regarder ma Crevette grimper sur les rochers devant le soleil couchant sur Raouché. J'ai adoré grimper les escaliers Saint-Nicolas à Gemmayzé et découvrir combien le centre-ville de Beyrouth avait changer depuis notre dernier voyage. J'ai adoré voir les filles marcher pieds nus sur les tapis de la grande mosquée avec l'envie irrépressible de faire des galipettes comme si c'était un immense terrain de gym.
Bref j'ai adoré !
Mais j'étais venue tout de même pour travailler et parler de mon métier d'auteure. Sur le salon du livre, j'ai animé sur le stand de mon éditeur Samir un petit atelier d'écriture. Il s'agissait de réfléchir à la distinction supposée entre métiers de filles et métiers de garçons, en partant de mon roman Indomptables. Les enfants ont merveilleusement joué le jeu et c'était fascinant de les voir faire fonctionner leur imagination pour pondre des petites histoires rigolotes. J'ai vu plusieurs classes défiler et ça donnait un peu le tournis tous ces enfants en uniforme qui m'appelait "Madame Céline" avec leur petit accent chantant. J'espère leur avoir un peu donné envie de lire et peut-être même d'écrire.
Puis je suis allée dans deux écoles à Beit Meiri, sur les hauteurs de Beyrouth. Les enfants avaient lu mon album Le Grand Méchant tigre et m'en ont fait des analyses très fines. Je ne suis pas prête d'oublier tous ces merveilleux sourires et leur enthousiasme communicatif !
Alors un immense merci à vous tous qui êtes venus me voir : Marie, Mohamad, Sabine, Joud, Hanem, Rebecca, Alexandre, Anthony, Gaëlle, Christa, Jason, Charbel, Ghassn, Angelina, Joseph, Christina, Thérésa, Naram, Christian, Gabriel, Louis, Yara, Haya, Julie, Ahmad, Amin, Ali, Sirina, Léna, Inrane, Tracy, Yoya-Maria, Gaïa, Théïa, Nour, Béatrice, Joy, Alex, Tia, Aya-Maria, Christopher, Marie-Reine, Iris, Charles, David, Clarissa, Estelle, Jana, Mia, Christelle, Maria, Mathieu, Yvette, Joe, Chloé, Manuel, Michel, Christine, Jana, Eva, Jane, Laurine, Andrea, Daniella, Victoria, Elsa, Sari, Aya-Guitta... et à tous les autres enfants dont je n'ai pas noté le prénom !
Un grand merci aussi à Blandine Yazbeck, la fée organisatrice de l'Institut français, vraie petite maman, qui nous a merveilleusement chouchoutés, nous, les auteurs français invités !
Et un vrai merci également à Amélie, Marwan, Manon, Johanna, Maya, Raymond... et tous les membres des
éditions Samir pour leur accueil !
Cher Liban, mon pays par alliance, tu peux me réinviter quand tu veux ! J'ai si hâte de te retrouver !
Sur le stand de la librairie de la Phénicie.